mardi 22 avril 2008

Manager dans l’économie des écosystèmes

Ecosystème, la simple analogie biologique formulée au début des années quatre-vingt-dix sous la plume de James Moore semble être désormais dépassée par la dynamique d’évolution qui transforme aujourd’hui nos sociétés.

Marchés multiples, recrutement, recherche et développement, ancrages locaux de chaque site opérationnel, une entreprise se voit désormais partie prenante de multiples écosystèmes, à la fois internes et externes, et en évolution continue.

Cette nouvelle réalité s’amplifie et va à l’encontre de l’histoire récente du management, ce qui explique beaucoup de dilemmes rencontrés par les entreprises aujourd’hui. C’est pour répondre à l’importance de ce nouveau sujet, le management au cœur de la dynamique des écosystèmes, que nous ouvrons ici une série de trois articles pour comprendre et agir :

  1. En quoi la dynamique des écosystèmes bouleverse aujourd’hui la réalité de l’entreprise ?
  2. Quels comportements pour l’entreprise dans une dynamique d’écosystèmes ?
  3. Comment manager l’entreprise au cœur d’une dynamique d’écosystèmes ?

En quoi la dynamique des écosystèmes bouleverse aujourd’hui la réalité l’entreprise ?

L’entreprise se trouve désormais partie prenante d’une multitude d’écosystèmes et constitue de surcroît elle-même un écosystème en interaction avec les autres, en dynamique. Le problème est que dans cette description idéalisée, il y a un hic de taille, les entreprises ne sont naturellement pas préparées à cette réalité. Pourquoi ?

Depuis l’aube de l’histoire industrielle, l’entreprise s’est développée dans une conception organisationnelle et managériale répondant à des priorités opposées.

Au commencement était la qualité

Avant l’ère industrielle, l’écosystème était à échelle humaine : l’artisan et son village. Le forgeron faisait de son mieux les outils, les armes, les ustensiles. Le boulanger, le menuisier, tous ces métiers de proximité avaient une priorité simple : la qualité pour maintenir et développer leur savoir faire, leur réputation, et entretenir des relations respectueuses avec leurs fournisseurs et clients. L’activité s’inscrivait dans la durée.

L’industrie : la focalisation sur la productivité engendre un modèle rigide

La révolution industrielle, pour produire en masse, a organisé l’économie en chaînes de valeur de plus en plus étendues, structurées en processus maîtrisés. La priorité fut donnée durant deux siècles à la productivité. Le forgeron laissait alors la place à une vaste chaîne industrielle allant de la sidérurgie à l’ensemble des métiers de la transformation de l’acier, puis de la mécanique.Pour manager des organisations de plus en plus grandes, le modèle nécessaire fut celui de lahiérarchie des responsabilités. Des responsables en cascade décidaient au bon niveau de l’allocation de ressources, contrôlaient l’exécution, et reportaient en retour l’information à la direction. La tête de l’organisation se réservait le soin de penser seule et de décider seule la stratégie.

Cette période connut deux époques. La compétition s’inscrivit d’abord dans la course au volume (pour abaisser les prix). Elle atteint son maximum dans les années soixante. À tel point que la qualité des voitures étaient tournée en dérision, et les humoristes raillaient la restauration d’autoroute, symbole des excès d’une industrie agroalimentaire ayant tout sacrifié à la logique quantitative.

Puis, l’impératif de qualité revint au premier plan à partir des dernières décennies de la fin du XXe siècle avec le grand mouvement de la qualité totale symbolisé par le modèle Toyota, conciliant l’optimisation des coûts et la maximisation de la qualité. Le dogme de la qualité, jusqu’à l’aube des années 2000, se résumait ainsi : “tout ce qui est fait doit être écrit et tout ce qui est écrit doit être fait”.

Ces deux phases de compétition – volume puis qualité - ont eu pour trait une maîtrise très optimisée des processus, très écrite, très codifiée, construisant progressivement une culture managériale rigide.

La dynamique des écosystèmes : innovation et agilité

L’économie de la connaissance, de la collaboration, de l’innovation dans laquelle nous entrons à la vitesse des moyens numériques, dopée par une compétition aux acteurs plus nombreux et plus neufs sur l’espace de jeu terrestre se caractérise par la dynamique, le mouvement, la fluidité.

Ainsi, les industries de l’électronique travaillent aujourd’hui de par le monde avec une grande variété d’acteurs tantôt partenaires, tantôt concurrents, dans un jeu d’alliances et de relations évoluant sans cesse, dans une dynamique d’écosystèmes. Et cette réalité touche progressivement toute l’économie : industrie pharmaceutique, automobile, textile, médias, services, métiers de la création et de l’innovation…

Comment passer du management industriel à un management adapté à un management adapté à la dynamique des écosystèmes d’aujourd’hui ?

L’entreprise se trouve aujourd’hui dans un dilemme entre l’immobilisme (ne pas toucher au modèle managérial acquis) et le sentiment de devoir revenir en arrière en abandonnant le formalisme (nous sommes des industriels, pas des artisans ! entend t-on parfois) qui a fait sa réussite durant l’âge industriel.

Comme toute résolution de dilemme, il faut savoir en sortir par le haut. Refuser le “ou” exclusif entre deux alternatives impossibles et dépasser la question par un nouveau management : conserver ce qui fait la qualité du management aujourd’hui et adopter les comportements nécessaires à la dynamique des écosystèmes d’aujourd’hui. Comment ?

Sur le plan externe, l’entreprise doit développer un ensemble de comportements adaptés en regard de ses écosystèmes : quel positionnement, quel rôle, quelles attitudes, quel modèle de création de valeur ?

Sur le plan interne, l’entreprise doit progresser en souplesse, adaptation, rapidité d’action pour interagir avec ses écosystèmes en permanence. L’agilité devient la priorité du management des organisations.

Dans l’économie dite de « l’immatériel » dans laquelle nous entrons, l’homme d’entreprise se pose des questions concrètes souvent sans réponse : Comment développer des avantages compétitifs durables dans un environnement qui change vite ? Quel est l’intérêt réel des approches collaboratives ? Comment intensifier l’innovation dans un cadre budgétaire maîtrisé ?

Sur un grand nombre de ces questions d’aujourd’hui, la notion d’écosystème apporte un éclairage riche, et porteur d’enseignements clairs sur les comportements et les stratégies à mettre en œuvre…

D’un monde fermé à un monde ouvert

Le changement de nature de notre économie ressemble par certains côtés aux transformations des villes à la Renaissance.

Au XIVe siècle la puissance d’une ville se mesurait à l’importance de ses remparts. Les marchands payaient un péage au passage de chaque ouvrage : portes de la ville, ponts.

Florentins, vénitiens, génois,des hommes de commerce nouveaux imaginèrent une ville ouverte. L’idée : en s’ouvrant au monde, la ville fait croître ses échanges, établit des alliances avec d’autres villes, et in fine crée davantage de richesses. Il fallut de longs siècles pour que cette vision s’installe.

Aujourd’hui, une ville puissante est une ville ouverte sur le monde : aéroport international, centres d’affaire, centre ville animé, espaces résidentiels. La ville est passée en quelques siècles d’une conception propriétaire de son espace à une vision d’écosystème, développant son influence et ses échanges sur un large périmètre.

Et l’on visite en famille les quelques villes encore dans leurs remparts comme les musées d’un lointain passé.
L’entreprise évolue désormais au cœur de multiples écosystèmes, en évolution de plus en plus rapide. Les repères changent. L’entreprise comprend qu’elle doit elle aussi s’ouvrir. Comment dans cet environnement évolutif et ouvert, l’entreprise peut-elle élaborer une stratégie ? Quels comportements l’entreprise doit-elle adopter dans une dynamique d’écosystèmes ?

En premier lieu, l’entreprise doit repenser sa place dans ce nouvel environnement.

Regardons l’entreprise dans son environnement aujourd’hui et observons ce qui a changé.
Dans l’économie industrielle, l’environnement de l’entreprise était un lieu, un espace avec des acteurs positionnés, comme des bataillons dans un paysage. L’entreprise avait, tel Napoléon à Austerlitz, une stratégie. Le but était exprimé par une position à atteindre, le chemin par un plan d’action à exécuter. Le management était synonyme de commandement. Les actifs-clés, des propriétés ou des secrets.

Quand l’environnement est un écosystème dynamique, l’entreprise en est de fait partie prenante. Ce qui signifie qu’elle ne doit plus se définir en défensive contre son environnement mais en symbiose avec celui-ci, c’est-à-dire opérant en permanence un ensemble d’interactions : échanges économiques, relations interpersonnelles (l’économie en réseaux), partenariats, alliances stratégiques ou tactiques, échanges d’idées, flux d’innovation, formation, participations à des instances de coordination pilotant l’écosystème.

Si l’on peut dire que la plupart des entreprises assument déjà une grande part de cet ensemble d’interactions, combien d’entre elles le font aujourd’hui consciemment dans une approche d’ensemble avec une vision systémique ?

Quelle importance d’avoir conscience de ses écosystèmes ? Parce que pour se développer, il est nécessaire de développer une dynamique cohérente à travers toutes ces interactions sous peine de perdre beaucoup d’énergie à assumer des incohérences, des dysfonctionnements, un manque de lisibilité des clients, des partenaires, et des collaborateurs.

Dans tel écosystème, l’entreprise a-t-elle un rôle majeur ou mineur ? Dispose-t-elle d’un maillage élevé d’interrelations ou non ? Quelle est sa part d’influence ? Quelle est sa réelle dynamique ? Il est donc nécessaire de comprendre les spécificités des écosystèmes dont relève son entreprise.

En second lieu, l’entreprise doit comprendre comment se développer dans ses écosystèmes.

L’écosystème se caractérise par un jeu d’acteurs interdépendants qui répond, par son organisation de fait, à un enjeu de la vie économique et sociale. Réussir dans un écosystème ne peut se faire contre lui. Affaiblir son écosystème, c’est s’affaiblir soi. Il s’agit donc de réussir avec lui.

Comment ? Si l’entreprise est partie prenante d’un écosystème, elle dispose peu ou prou d’une capacité d’influence sur celui-ci : par son poids, ses idées, sa dynamique d’innovation, son rôle particulier (catalyseur, facilitateur, contributeur, etc.).

Toute entreprise a la capacité d’imaginer l’écosystème idéal dans l’intérêt de celui-ci et le rôle idéal qu’elle pourrait y jouer dans son intérêt à elle. Forte de cette vision, elle peut agir, influencer les autres acteurs, proposer des alliances avec tels ou tels acteurs dans un intérêt partagé. L’objectif : conjuguer sa dynamique de création de valeur avec celle de l’écosystème et monétiser cette création de valeur en revenus en contrôlant les points stratégiques.

Par exemple, dans les pôles de compétitivité, nous assistons de plus en plus à des alliances parfaitement raisonnées en ce sens. Dans l’industrie de l’électronique, des logiciels, dans l’industrie de la santé, les stratégies sont assumées selon cette conception d’écosystèmes.

En troisième lieu, l’entreprise doit comprendre comment se comporter pour réussir dans ce nouveau type d’environnement.

« Se comporter » est bien le verbe. Dans un ensemble d’écosystèmes en perpétuelle évolution, l’exécution d’une stratégie mécaniquement déroulée n’est plus efficace.

Pour se développer de manière optimale, il faut non seulement que l’entreprise s’adapte en permanence (agilité), mais, il est nécessaire que l’entreprise soit pleinement partie prenante de l’écosystème, qu’elle agisse en intelligence avec celui-ci.

Comment ? Chaque partie de l’entreprise est porteuse d’une relation avec l’écosystème. Si chacune a conscience des objectifs à atteindre, si chacune est consciente de la politique d’action à mener, il est possible d’influencer son écosystème, de le faire évoluer autant que d’en tirer parti. L’identification des moyens d’action, la capacité à inventer et à mettre en oeuvre des moyens nouveaux adaptés à la situation, et surtout à agir en dynamique, à développer un comportement d’ensemble cohérent sont les clés de la réussite dans l’économie des écosystèmes.

Quelques exemples d’entreprises ayant développé une stratégie d’écosystème :

Google ne s’est pas contenté de mettre à la disposition du monde entier un moteur de recherche puissant et sympathique d’usage. Google a développé un modèle relationnel amont par ses partenariats de visibilité et aval par sa régie étendue à un nombre très large d’affiliés (Google AdSense).
La politique innovation accélérée de Google a un but clair : apporter un maximum de services amont ou aval qui augmentent encore l’importance de son rôle dans son écosystème, et à transformer plus efficacement encore la valeur créée en argent (monétisation).

IBM, leader de toutes les époques informatiques a muté une nouvelle fois en incluant l’Open Source dans sa stratégie ou plus exactement en se faisant accepter dans la stratégie de l’écosystème Open Source. Car ce fut plutôt à IBM de faire l’effort de se faire admettre en tant que contributeur et généreux investisseur, c’est à dire en tant que partie prenante respectant les règles de la communauté. On n’achète pas un écosystème, on y contribue. C’est un comportement, une culture. Aujourd’hui, le pari est gagné puisque IBM a contribué à développer avec la communauté Open Source une infrastructure logicielle large lui permettant sur cette puissante base standard de proposer des applications et des services à valeur ajoutée que “Big Blue” valorise très bien auprès de ses clients.

Procter & Gamble, la multinationale emblématique des marchés de grande consommation a entamé dès 2000, une mutation vers une stratégie d’écosystème par une approche ouverte de l’innovation. Comprenant que la R&D traditionnelle atteignait une limite structurelle, P&G a mis en place une stratégie d’Open Innovation impliquant dans sa démarche d’innovation, l’ensemble de ses collaborateurs, des communautés de scientifiques via des Idéagoras telles que Innocentive, et plus largement, l’ensemble de ses partenaires et ses clients consommateurs : tout le monde peut être à l’origine d’une innovation ou contribuer à la mise au point d’une produit.

En synthèse :

Faire partie d’un écosystème, c’est y avoir un rôle. Tout rôle détient une part d’influence. De ce constat l’entreprise peut en déduire un comportement adapté et au-delà une stratégie pour optimiser son développement :

  1. Prendre conscience des écosystèmes dans lesquels elle évolue et y comprendre son rôle ;
  2. Définir l’écosystème optimal, dans l’intérêt du développement de l’écosystème lui-même comme dans celui de l’entreprise ;
  3. Identifier les comportements adaptés, les moyens d’action pour qu’advienne cet écosystème optimal.
    Nous verrons dans le troisième et dernier volet de cette série de posts consacrés au management de l’entreprise dans l’économie des écosystèmes comment l’entreprise elle-même doit s’organiser, et concevoir sa pratique managériale pour se développer de manière optimale.

La notion d’écosystème, en s’imposant progressivement comme un descripteur pertinent de la réalité économique, induit d’importants changements dans le management des entreprises.

Notre première partie sur ce thème a montré en quoi cette notion, traduisant le jeu évolutif des acteurs dans un contexte de compétitivité de plus en plus dynamique et intense, impactait en profondeur les schémas managériaux établis.

Notre seconde partie a abordé comment l’entreprise au plan externe, au cœur des interactions et des interdépendances, peut développer un comportement adapté.

Pour cete troisième et dernière partie, nous nous attarderons sur l’entreprise au plan interne : comment manager l’entreprise au cœur d’une dynamique d’écosystèmes ?

De la « chaîne de valeur » à « l’écosystème », ce qui a changé

Dans le modèle de « chaîne de valeur » de Michael PORTER, l’entreprise se définit comme un processus de création de valeur, intégrant un processus global plus vaste (fournisseurs en amont, revendeurs et partenaires commerciaux en aval) justifié par le client final. Dans l’idéal de son auteur, cette conception permet aux acteurs d’une même filière de disposer d’un référentiel pour optimiser ensemble la valeur ajoutée à chaque étape du processus global.

Mais le modèle de management associé, transactionnel entre des acteurs considérés autonomes, pervertit cet idéal en poussant chacun à rechercher isolément la profitabilité maximum à court terme pour son compartiment économique. Cette vision linéaire et simplificatrice de la création de valeur a aujourd’hui pour conséquences :

  1. Une dérive des relations d’affaires vers des comportements mécanistes limitant les engagements de responsabilités et augmentant la conflictualité entre les parties, abaissant la confiance entre les acteurs ;
  2. Un transfert de ces comportements mécanistes au sein des entreprises entre les départements trouvant plus clairs eux aussi d’adopter des rapports clients-fournisseurs, augmentant la conflictualité entre les parties, abaissant la confiance entre les acteurs ;
  3. Une déperdition d’informations isolément peu signifiantes, mais riches en signaux faibles relatifs aux évolutions permettant à l’entreprise adaptation et innovation ;
  4. Un affaiblissement de la capacité de réaction et d’innovation de l’ensemble en limitant les ressorts de l’intelligence collective naturelle des organisations et des marchés dynamiques.
    Constatant ces dérives, les entreprises n’ont pas attendu les réflexions d’aujourd’hui pour lancer des programmes volontaristes luttant contre ces phénomènes : politiques de partenariat amont et aval, développement de la transversalité entre départements, mobilisations sur la qualité et l’innovation. Pour autant, entre le modèle référent profondément mécaniste et la pratique, la lisibilité demeurait difficile. Les consultants portant ces approches invoquaient alors le pragmatisme sous le vocable de « partage de meilleures pratiques ».

L’intensification du jeu des acteurs, les logiques d’interrelations et d’interdépendance que forment aujourd’hui progressivement les écosystèmes, leur dynamique d’évolution, interdisent bien évidemment ces comportements mécanistes, mais plus encore, appellent à un nouveau référent managérial.

Du modèle mécaniste à l’intelligence vivante

Réussir pleinement au cœur de cette nouvelle donne nécessite de répondre au quadruple défi que pose l’économie des écosystèmes à l’interne de l’entreprise :
• L’ouverture : chaque partie de l’entreprise doit évoluer en symbiose avec les acteurs internes et externes avec qui elle interagit. Compréhension réciproque, information nouvelle, interdépendance opérationnelle, etc…
• La complexité : chaque partie de l’entreprise doit prendre en compte les réalités, les référents opérationnels et organisationnels des autres acteurs internes et externes. La complexité ne doit plus être ignorée comme une incompétence à simplifier, mais être rendue accessible par des outils et des modes de management adaptés.
• La cohérence : c’est cette qualité qui fait de toutes les parties de l’entreprise un tout. Dans un modèle mécaniste, la cohérence peut être imposée, dans le modèle systémique, elle ne peut être que suscitée : chaque partie doit faire le chemin vers la cohérence. Le manager est celui qui sait réussir et maintenir cet exercice dans la durée.
• La rapidité : l’entreprise doit évoluer à la vitesse de son écosystème, voire en être le facteur d’entraînement. La maîtrise de la vitesse de prise en compte de l’information, de traitement, de décision, de mise en place des nouvelles actions, est cruciale.

Ces quatre défis de l’entreprise au cœur des écosystèmes imposent un modèle de réponse nouveau, pleinement systémique, une intelligence distribuée : l’intelligence collaborative.

À l’inverse du mouvement mécaniste qui consiste à voir en toute partie de l’entreprise un lieu d’exécution de processus, rêvant de transformer toute organisation en une horlogerie idéale, parfaite exécutante dénuée de vie, l’intelligence collaborative cherche à ajouter partout où cela fait sens dans l’organisation, des parties prenantes co-responsables développant une intelligence vivante.

Au plus près des processus d’exécution, au plus près des partenaires de l’entreprise, des réalités internes et externes, dans chaque partie de l’entreprise s’élaborent au quotidien les constats d’évolution, tant du détail que de son fonctionnement global dans ses écosystèmes. En mettant en symbiose ces parties de l’entreprise, par une dynamique d’animation participative adaptée, ces constats peuvent se traduire en opportunités pertinentes d’évolution, faire l’objet de décision au niveau approprié, et se traduire en actions concrètes, sans délai.

Cette collaboration des intelligences dans l’action est la base de l’agilité (voir programme CoAgilité), comportement clé pour évoluer et se développer au cœur d’une dynamique d’écosystèmes

De l’intelligence vivante au management de l’intelligence collaborative

Ce management de l’intelligence vivante n’est pas le fruit d’incantations de gourous en mal de théâtres. C’est une discipline avec ses méthodes, ses pratiques et ses indicateurs.

L’intelligence collaborative est le résultat d’un travail sur le collectif de l’entreprise à tous les niveaux, un résultat qui se conquiert étape par étape, qui se développe et s’entretient. On ne passe pas de la hiérarchie cloisonnée au collectif intelligent, en suivant un stage de méditation introspective assortie de sauts à l’élastique.

C’est un travail qui doit associer collectif et réalités opérationnelles et monter en puissance étape par étape.

C’est un travail sur le collectif humain non dissocié de la réalité opérationnelle.L’approche mise au point par

In Principo propose 4 registres de développement, associé chacun à un indicateur, chacun étant nécessaire à la réalisation du suivant :

Intensité collaborative
Première étape : l’entreprise doit retrouver sa capacité à collaborer. Échanger de l’information, des connaissances, savoir réfléchir ensemble, élaborer des projets d’actions. Le management mécaniste a trop souvent réduit la collaboration aux projets lourds, avec des approches très encadrées. Il convient de redécouvrir ce qui fait la puissance d’une collaboration spontanée, pertinente, autorégulée. Cette intensité collaborative se cultive avec des techniques, des comportements, des outils.

Degré d’Ouverture
Deuxième étape : l’entreprise doit s’ouvrir sur l’extérieur. Chaque partie de l’entreprise doit penser l’extérieur, vivre pleinement les évolutions des autres acteurs, du marché, d’autres univers développant quelques similitudes porteuses d’inspirations. La remise en question naît du benchmark, la créativité se développe avec la curiosité. Être ouvert est indispensable pour gérer l’inattendu.

Niveau de Vitalité
Troisième étape : De la collaboration et de l’ouverture doivent naître des idées concrètes, des initiatives, des projets. Pour être agile, il est nécessaire d’identifier en permanence de multiples opportunités pertinentes. Toute opportunité n’aboutit pas forcément à un résultat concret pour des raisons de pertinence, de faisabilité, de moyens. La vitalité est la capacité à faire émerger un nombre significatif d’opportunités.

Niveau d’agilité
Quatrième étape : L’agilité est la capacité à concrétiser un nombre d’actions pertinentes dans une unité de temps. Ces actions doivent être concrétisées dans un soucis de double cohérence. Cohérence de l’ensemble, les actions qui se succèdent contribuent à développer la valeur crée par l’entreprise dans le temps. Cohérence pour chacune des parties prenantes, chacune doit conserver une lecture cohérente de ces actions pour disposer du même référentiel.

Une entreprise ne peut être réellement agile si elle n’est pas intensément collaborative, ouverte, et si elle ne dispose pas d’une vitalité élevée.

Ce développement managérial doit s’imaginer dans le contexte de chaque entreprise à travers des enjeux et des projets réels. Il peut être encouragé par une volonté managériale forte, et facilité par les nouveaux outils de collaboration 2.0 : réseaux sociaux, wikis, blogs, idéagoras, agrégateurs…
Nous reviendrons prochainement sur l’importance des outils 2.0 comme amplificateurs d’une démarche de management collaborative.

En synthèse

Manager une entreprise au cœur des écosystèmes, consiste à adopter résolument un management participatif basé sur le principe de l’intelligence collaborative. Chaque partie prenante de l’entreprise doit avoir conscience de la dynamique d’écosystème dans laquelle l’entreprise évolue et doit s’inscrire dans une dynamique de collaboration efficace permettant l’agilité de l’entreprise dans cet environnement.

Ce nouvel état intérieur, cette dynamique intérieure est accessible à toutes les entreprises.

C’est le fruit d’une démarche de management, d’un entraînement, d’une mise en condition et d’une pratique intensive impliquant toutes les parties prenantes de l’entreprise. C’est ainsi tout « l’être entreprise » qui doit s’engager ici en tant qu’acteur de ses écosystèmes.

C’est pour accompagner les entreprises dans cet esprit, qu’IN PRINCIPO a lancé en 2008,le programme COAGILITE.

— Olivier Réaud